Disruption RH, la campagne de recrutement hors du commun de Sony Music racontée par son DRH

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Disruption RH, la campagne de recrutement hors du commun de Sony Music racontée par son DRH

Prix de la Disruption Numérique en 2017, avec sa campagne de recrutement Sony Music Talent Factory, Claude Monnier, DRH de Sony Music, est revenu sur cette innovation RH et de recrutement lors de saloon RH #3 .
Des candidats qui présélectionnent leurs pairs, aucune information personnelle communiquée, une plateforme de streaming comme outil de recrutement : Sony Music Talent Factory… Une campagne qui a révolutionné le recrutement dans son industrie…Et qui pourrait vous inspirer !

Retranscription de ses propos lors de la conférence donnée à Saloon RH

Pour bien comprendre la campagne de recrutement Sony Music Talent Factory et ses enjeux, revenons un peu sur le contexte.Claude Monnier, DRH de Sony Music : « Lorsque je suis arrivé chez Sony, l’entreprise vivait son 5ème PSE en 10 ans.
Internet avait créé des nouveaux comportements. Ces derniers étaient , au début, tournés soit vers le piratage, soit vers la consommation gratuite de contenus musicaux. L’industrie musicale a mis beaucoup de temps à rebondir…Pendant 12 ans, nous avons vécu de la destruction de valeur (70-90%) et d’emplois .2012, année de changement et de transformationEn 2012, les Grands Groupes de l’industrie ont changé de paradigme et se sont intéressés à une conduite des transformations pour embrasser cette mutation technologique. Le Streaming a bouleversé la façon d’écouter de la musique dans le monde entier…C’est, aujourd’hui, la principale source de revenus de l’industrie. »En 2017, la Sony Music Talent Factory a révolutionné le recrutement dans l’industrie… Retour sur la Genèse.Claude Monnier, DRH de Sony Music : « Tout est parti d’un constat.

Il y a un métier central dans l’univers de la musique : celui de Direction Artistique (DA). Pourtant, il n’y a ni formation initiale, ni continue.

Les recrutements s’effectuaient principalement par le réseau, la cooptation et le recrutement clanique. C’était un univers très fermé d’un groupe de personnes, qui se partageaient des expériences, des conseils et carnets d’adresses pour dénicher les nouveaux talents artistiques.Un décalage culturel, technologique et générationnel…Les artistes ont eux aussi adopté les nouvelles technologies et changé leur façon d’entrer en contact avec leur public. Ils ont été beaucoup plus créatifs dans la façon de créer de la musique et de la partager.

Les réseaux sociaux ont bouleversé l’écosystème où on trouve : les artistes, les médias musicaux, les maisons de disques et le public.

Ils sont devenus les principaux canaux d’identification des talents artistiques, à la place des rencontres dans des studios d’enregistrement, dans des bars, lors de concerts/ spectacles…
Et avec ses évolutions, il y avait un décalage culturel, technologique et générationnel entre la population des artistes et celle des directeurs artistiques (très genrée « masculin » également).
Il était indispensable de diversifier cette population.Sony Music Talent Factory, une disruption que nous, RH, devions laisser à d’autresClaude Monnier, DRH de Sony Music : « Sony Music Talent Factory devait nous permettre d’aborder autrement nos recrutements et les métiers de notre industrie.

Nous avons fait, cependant, un autre constat au sein de l’équipe RH :

« Si nous, RH, étions détenteurs de ce nouveau processus de recrutement, nous allions passer à côté d’une disruption nécessaire pour être capable de toucher une autre cible et une autre population ».

Nous avons donc constitué une « équipe projet », de 12 personnes avec un leader non-RH, la plus diverse possible pour s’assurer de mettre sur la table : les préjugés, les idées reçues, les préconçus…les habitudes, les stéréotypes et les réflexes de recrutement.Un renouvellement d’1/3 de l’équipe projet tous les 3 moisL’équipe projet avait aussi une caractéristique temporelle importante. Tous les 3 mois, nous renouvelions un tiers de l’équipe.

L’objectif ? Avoir une dynamique permanente renouvelée.

Résultat ? Cela a donné la Sony Music Talent Factory … Un concept qui était totalement le contraire de ce que moi, DRH, avait imaginé au départ ! Un succès de disruption ! « 

Un concept de recrutement inédit en 2017, et encore maintenant !Claude Monnier, DRH de Sony Music : « Concrètement comment cela se passe lorsqu’on cherche un Directeur Artistique …Enfin plutôt UNE Directrice Artistique (pour la diversification de la population) avec ce nouveau concept ?

Déjà, nous utilisons un nouvel outil de recrutement : une plateforme de streaming.

Ensuite, plusieurs points saillants du concept sont à retenir.1. L’interdiction de recevoir des informations personnelles ou professionnelles sur la ou le candidatPas de CV, pas de lettre de motivation, pas de communication sous la vraie identité de la ou du candidat …Aucune information personnelle.

Nous avons demandé uniquement une vidéo (à télécharger sur notre plateforme de streaming) de 60 sec pour exprimer sa passion pour la musique, rien de plus rien de moins !

Résultats : 60 000 vidéos reçues pour un métier pratiqué par seulement 50 personnes en France !

2.Une pré-sélection effectuée par les candidats eux-mêmes !Au lieu de s’inscrire dans une logique habituelle où l’entreprise, qui reçoit les candidatures, est décisionnaire unilatéral et asynchrone, nous avons inversé les choses. Nous avons inversé la charge du recrutement !

Nous avons dit aux candidats : « voilà 60 000 vidéos, nous vous demandons de sélectionner les vidéos qui vous semblent les plus pertinentes pour passer l’étape suivant. Vous avez le droit à UN vote».

Pour la 1ère fois en France (à ma connaissance), nous avons donc inversé le process décisionnel, nous avons renvoyé l’autorité de la présélection aux candidatures plutôt qu’à l’employeur.

Cela a été un vrai travail sur LA SYMÉTRIE DES ATTENTIONS et avec logique SYNCHRONE (qui en recrutement est rarement le cas : on demande vite aux candidats et on répond plus tard…).

En 90 jours, il y a eu 60 000 votes et les candidats ont retenu 1500 candidatures sur les 60 000 !Un double effet d’aubaine !La flux de candidatures a été aussi de très grande qualité ! Les prestations ont été telles que nous avons même élargi nos recrutements…. Pas seulement des postes de DA mais sur d’autres métiers… Des professionnels que nous n’aurions jamais rencontrés autrement.3. Une stratégie de recrutement entièrement financée par le sponsor !Quand cette campagne de recrutement est née, nous avions eu très vite conscience que l’investissement et les enjeux technologiques et de gestion dépassaient les campagnes classiques.

Nous avons donc contacté le plus gros mécène privé de l’industrie musicale pour lui demander une participation et association. Le potentiel et l’innovation de la campagne ont plu. Il a décidé de financer l’intégralité du coût de la campagne ! Et de s’y investir pleinement.

Sony Music Talent Factory avait ainsi un sponsor affiché qui « brandait » une campagne de recrutement pour une autre entreprise !

La collaboration a été tellement constructive qu’elle a été renforcée : des flyers de la campagne ont été distribués dans les agences du sponsor, des collaborateurs de ce mécène ont été invités aux visionnages des candidatures…Le sponsor est devenu partie prenante de la campagne.

Il a été également intégré dans la construction de la suite du processus : la Master Class !4. Une Master Class pour les 24 pré-finalistes… Pour qu’ils décident QUI passera l’étape suivante !En effet, après la sélection des 1500 premiers candidats, nous sommes passés à la deuxième phase pour avoir 24 pré-finalistes.

Aux 1500 retenus : nous avons demandé une playlist de 5 tracks sur Soundcloud et une vidéo de 180 sec pour expliquer leur choix (technique, artiste..). Puis un second vote collaboratif a été effectué pour n’en retenir que 24.

Avec les 24 pré-finalistes, nous avons entamé la Master Class (avec la 1ère rencontre identitaire aussi).

Sur 12h, nous leur avons demandé de travailler sur 3 business cases différents : collectivement et individuellement. Des 24, nous avons retenu que 6 candidatures provenant d’une codécision entre : les votes des 24 candidats eux-mêmes et d’un petit comité Sony Music.

Une sélection communautaire, collégiale et synchrone !

La Master Class nous a apporté 3 choses :

  1. Toutes les générations étaient représentées !
  2. 70% des candidatures venaient d’en dehors de Paris et de l’Île de France soit une décapitalisation de la culture musicale, ce qui était très important.
  3.  Il y avait aussi une grande diversité multifactorielle tant en termes : d’origine, de genre, de génération, de diplôme…. On était très fier de cette diversité !

5. L’épreuve finale : un voyage intégralement payé dans 4 pays !Aux 6 finalistes , nous avons ensuite proposé un voyage dans 4 villes successives ; Berlin, Londres, New York et Paris. Une partie du voyage était organisée par Sony et l’autre partie était laissée libre aux candidats.

Équipés d’une caméra, les candidats devaient filmer tout ce qui constituait leur voyage culturel. 5 jours après la fin du voyage, tous les 6 nous ont proposé une vidéo de 5 min sur la même plateforme de streaming.

3 CDI proposés de DA dans nos labels à la fin de la campagne !

Bilan de cette 1ère édition : Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Les autres surprises ? Et la suite …Claude Monnier, DRH de Sony Music : « L’expérience a été un succès, ce n’est pas pour rien que nous avons lancé la 2nd édition (en 2018) puis la 3ème édition en 2021.Cependant tout n’a pas été tout rose. 2 échecs nous ont appris beaucoup !Tout d’abord, nous avons été surpris par le nombre de 1ère candidatures (60 000) … Nous avons eu du mal à gérer ce flux anonyme. Avec les aspects techniques, l’aspect anonyme, les droits à l’oubli, les retours, etc… Nous n’étions pas forcément prêts techniquement pour répondre aux 60 000 candidatures.

Le 2nd échec a été la « non » standardisation de cette disruption dans nos autres campagnes de recrutement. Certes, nous avons internationalisé le processus. Nous avons énormément communiqué sur Sony Music Talent Factory. Cependant, 3 mois après la 1ère édition, lors de notre recrutement de notre Contrôleur de Gestion, nous sommes passés pour des amateurs, car nous étions revenus à une diffusion classique…

Nous avons une position paradoxale de créativité classique !
D’un côté, nous sommes une entreprise d’une très grande créativité et innovation pour certains postes et fonctions …De l’autre, nous sommes d’un classicisme affligeant pour des postes en finances, administratif ou support !

Nous essayons de dépasser ce paradoxe mais une campagne telle que Sony Music Talent Factory est extrêmement lourde en termes : de gestion, de ressources, d’organisation et de coût. Cela a interrogé nos modèles. Aujourd’hui, nous sommes finalement très déséquilibrés sur les moyens mis en œuvre selon les métiers recrutés…Mais nous en sommes conscients aussi.Une surprise : des candidats non retenus, une communauté créée…Des labels nés !On parle beaucoup de « User Experience », de la notion d’expérientiel. Pour nos candidats qui s’étaient investis dans le process, qui n’avaient pas été retenus, nous voulions aussi leur apporter quelque chose.
L’idée n’est pas venu de nous mais d’eux !

Beaucoup voulaient se rencontrer. Avec leur accord, nous avons levé la confidentialité… Pour qu’ils puissent se rencontrer, échanger.

Finalement, beaucoup de projets artistiques et des labels indépendants sont nés suite à ces rencontres !

Cela nous a d’ailleurs donné des idées pour la 3ème édition de Sony Talent Factory qui se déroule en 2021.La saison 3 : le recrutement d’une équipe complète pour un projet avec un contrat unique !Pour notre 3ème campagne de recrutement Sony Music Talent Factory (qui se passe en 2021), nous sommes partis sur le même principe de recrutement collaboratif et synchrone.

La grande différence ? Ce recrutement se fera non pas pour un poste mais pour une équipe au grand complet.

Nous partons sur l’intégration d’un collectif (Direction Artistique, marketing et réseaux sociaux) de 3 personnes.
Les candidats ne seront pas pris individuellement mais en équipe avec un contrat unique (NB : en cours de négociation juridique lors du témoignage).Des recrutements parallèles et croisés avec le sponsor !Cette année, notre partenariat avec notre sponsor (dans le télécom) va plus loin.

Pour couvrir leur besoin en ingénieur 5 G (10 000 dans le monde), nous avons co-construit les épreuves autour de la technologie 5G, mêlant musique/créativité et Tech.Il y aura 2 campagnes en 1 avec 1 site et un réseau social.Une autre innovation : nous partagerons également les candidatures à l’ensemble des acteurs indépendants de notre secteur (des freelances, TPE, PME, indépendants) qui ont eux aussi des besoins en recrutement. »En mot de la fin ?Claude Monnier, DRH de Sony Music : « Pour toutes les entreprises qui souhaiteraient innover un peu plus dans leur campagne de recrutement, voici mon incontournable : La confiance en la créativité des candidats. Ils savent repousser les limites pour aller à la rencontre. Ils deviennent de plus en plus exigeants sur la synchronie en recrutement. N’essayez pas de tout contrôler… Faites confiance ! »

Encore un grand merci à Claude Monnier pour ce témoignage passionnant !
A retrouver en replay !

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